Anton Moglia

Adieu les playlists

J’ai regardé la série The Playlist sur Netflix qui raconte l’histoire de Spotify. Au dernier épisode, j’ai coupé la télé et j’ai commencé à réfléchir à ma consommation de musique. J’ai longtemps été un pirate. À cette époque, je collectionnais mes albums préférés sur mon disque dur, et j’attendais impatiemment la sortie du prochain album de mes artistes préférés.

Mais j’ai perdu ce lien avec les artistes. Comme tout le monde, depuis quelques années, j’ai adopté le modèle des plateformes de streaming, par commodité. Après tout, ça coûte quelques euros, pour avoir un accès illimité à (presque) toute la musique du monde, sans publicité, et sans latence. Dans ma bibliothèque numérique, j’ai entassé quelques morceaux fétiches dans des playlists. Je me laisse porter par les suggestions automatisése de la plateforme, d’une piste à l’autre comme un fond sonore réconfortant.

Quelle abondance ! Finalement cette abondance de musique, m’a fait perdre tout intérêt pour la recherche et la découverte de nouveaux artistes. Noyé dans la musique, je ne sais plus quoi écouter, qui écouter et pourquoi. Je suis perdu dans l’immensité du catalogue, et l’immense champs des possibles rend l’expérience insipide. Les playlists rendent les artistes anonymes. Vous ouvrez Spotify, vous lancez la playlist « Rock », et c’est parti pour des heures de musique, sans vous être jamais posé la question de qui est derrière le micro ! Écouter des playlists, et encore plus des playlists algorithmiques, ou pré-fabriquées, est la meilleure manière de perdre de vue les artistes qui créent la musique. Sur les plateformes de streaming, tout est trié par genre, par style, par ambiances et vous lancez la playlist comme une soupe sans savoir ce quels ingrédients la composent.

Allons plus loin : ce modèle d’abondance est-il viable pour les artistes ? Même pas ! Spotify paie généralement entre 0,003 $ et 0,005 $ par stream, ce qui signifie qu'il faudra environ 250 streams pour gagner un dollar. Autant dire que ce n’est rien du tout, et que pour la plupart des artistes indépendants qui veulent vivre de leur travail, mais qui ont un style moins mainstream que Beyoncé… ça va être le parcours du combattant.

Après quelques recherches, j’ai installé Bandcamp et j’ai recommencé à acheter des albums. C’est très satisfaisant d’envoyer une somme d’argent à un artiste pour rétribuer son travail et l’encourager à continuer (7-10€ pour 1 album, soit l’équivalent d’1 mois d’abonnement à une plateforme). En recommençant à découvrir un album après l’autre sur Bandcamp, j’ai retrouvé le plaisir d’écouter de nouvelles choses, et de me laisser surprendre par un nouveau style musical, et surtout par de nouveaux artistes !

Aujourd’hui pourrait être un âge d’or pour les artistes. Les groupes peuvent s’auto-produire et publier eux même leur travail sur internet. Les musiciens se sont libérés des contraintes des maisons de disque et peuvent publier sans intermédiaire. Après l’époque du piratage, ce modèle de tout illimité est légitime, et c’est normal qu’il soit devenu dominant sachant qu’internet permet de diffuser librement la culture. Mais je pense qu’il ruine notre rapport aux artistes et les invisibilise. Il revient donc à nous de faire un pas de côté pour se demander si nous n’avons pas perdu quelque chose en route ! Adieu Streaming !

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